Les Baigneurs de Daumier - exposition

Les Baigneurs de Daumier ** Exposition au Musée du Dessin et de l'Estampe originale de Gravelines**
Jusqu'au 20 mai 2024

Les baigneurs de Daumier, la société mise à nu

A l’approche de la célébration des performances olympiques, le musée présente un ensemble de près de 90 lithographies satiriques d’Honoré Daumier (1808-1879) sur le thème des baigneurs. Observateur affranchi, le dessinateur traque les turpitudes des parisiens et parisiennes se jetant à l’eau, qu’ils barbotent dans les premières piscines, trempent dans la rivière, ou qu’ils affrontent bravement les vagues. Dans un contexte où l’on commence tout juste à envisager l’intérêt d’une activité sportive, perçue comme éducative et hygiénique, l’artiste prend ce prétexte pour mettre à nu ses contemporains ordinaires, les déshabiller littéralement. Les postures et comportements de ces baigneurs et baigneuses en petite tenue dévoilent tour à tour leur ingénuité, leur maladresse ou leur hardiesse, leur conformisme, leur bêtise, et parfois même leur goujaterie

Les baigneurs de Daumier,

ou quand la comédie bourgeoise prend l’eau par Samuel Dégardin

(...) Daumier représente les deux sexes à l’heure du bain sans intention de flatter le goût du public ou la concupiscence du voyeur. Ses différentes séries sur le thème des Baigneurs n’ont qu’une ambition : mettre à nu le bourgeois. Depuis que ce dernier avatar du capitalisme bon teint a « son roi » (Louis-Philippe 1er), il devient sa cible privilégiée.

(...) Initié à la lithographie par Charles Ramelet, il va dès lors commencer une longue collaboration avec la presse satirique illustrée : La Silhouette (1829), La Caricature (1830-1832) et Le Charivari (1832-18724). Tous ces journaux ont pour directeur-fondateur Charles Philipon, ennemi déclaré de la société louis-philipparde.

(...) il faut attendre 1761 pour se rendre aux bains Poitevin : un bateau-vapeur amarré aux Tuileries qui distribue dans de petites cabines équipées de baignoires l’eau pompée dans la Seine. Avec le retour des idées hygiénistes et l’arrivée de révolutionnaires propres sur eux, les bains publics à bord d’embarcations sont de nouveau à flot. Mais c’est véritablement au XIXe siècle que le contact du corps et de l’eau est chaudement recommandé après le passage du choléra-morbus en 1832 et les politiques d’urbanisation qui aboutiront à faire monter l’eau et le gaz à tous les étages. Durant la première moitié du siècle, la croissance des bains publics est exponentielle. L’été, la baignade se pratique plus volontiers dans les rivières. Interdite dans la Seine par une ordonnance de police publiée chaque 1er mai, des entrepreneurs privés proposent une baignade alternative. Pour se mettre à l’eau, le baigneur fauché est prié de se laisser glisser le long d’échelles placées à l’extérieur de la coque d’un bateau pour se retrouver dans un espace collectif délimité par des pieux et abrité par de frêles palissades – les fameux « bains à quatre sous ».

(...) Familier des établissements de bains publics, principalement implantés dans les beaux quartiers de la capitale, Daumier s’intéresse dans un premier mouvement de brasse aux baigneurs en eau douce. Ne pouvant ignorer la mode des bains de mer qui sévit à la belle saison sur les plages de Dieppe, Le Croisic ou La Rochelle, il plonge également ses baigneurs dans une eau des plus salée. De 1839 à 1866, il réalise ainsi 137 lithographies réparties sur plusieurs cycles. On y retrouve sa verve facétieuse, fruit de ses patientes observations, et son sens du cadrage, dynamique en diable. Les corps, plus ou moins sujets à la poussée d’Archimède, sont saisis dans leur vérité de formes et de mouvements. Pas toujours à leur avantage, mais l’effet comique, bâti sur les contraires – habillé/déshabillé, petit/grand, chétif/corpulent –, fait mouche à chaque fois.