Moulin de Coquelles

Peu de moulins ont eu une histoire aussi mouvementée que celui de Coquelles. On ne connaît pas bien son origine, qui est ancienne. Il figure sur des cartes de l'époque de la domination anglaise (14ème au 16ème siècle), ainsi que sur une carte des environs de 1755. La forme du moulin, sa toiture notamment, était typique de cette dernière époque. Il est renversé par une tornade, probablement celle du 22 septembre 1800, qui fit d'énormes dégâts dans toute la région. Reconstruit, il appartient en 1834, à Antoine Parenty de Peuplingues, puis à partir de 1835 à Augustin Rohart-Parenty d'Hames-Boucres et ses descendants. Le dernier, Félix, le vend à François Darré-Vasseur peu avant 1900.

Son fils disparaît dans la grande tourmente de 1914-18 et c'est à son petit-fils, André Darré, qu'il apprend le métier dès ses 14 ans. Ce dernier est mobilisé en août 1939 et, lorsqu'il revient, en 1941, le moulin n'existe plus. Il a été dynamité par les Allemands le 22 mai 1940, car il servait de repère aux artilleurs anglais. La paix revenue, des démarches pour retrouver un moulin sont effectuées par l'instituteur et secrétaire de mairie du village, Michel Grassien. C'est celui de Crochte, arrêté quelques années avant la guerre, qui fait l'affaire et qui sera démonté à partir du 4 juin 1951.

Ce n'est pas une mince opération, mais les charpentiers compétents sont encore là et vont résoudre tous les problèmes techniques. En août 1952, les ailes tournent pour la première fois. Hélas, le 14 août, le charpentier Eugène Roos meurt dans un accident de la route, et c'est ensuite le tour d'Achille Lejeune, qui décède le 5 septembre, après être tombé de la trappe du moulin, se brisant les vertèbres cervicales.
C'est Géry Demersseman qui achèvera les travaux, mais le moulin ne sera pas inauguré. Les années passent et l'usure du temps fait son oeuvre. Le moulin a besoin d'un sérieux coup de neuf, les bois sont verts de mousse, les tôles rouillent, le piédestal n'est pas bien protégé et le meunier est allergique à la peinture.

En 1975 et en 1976, l'ARAM organise deux chantiers de jeunes pour brosser la carcasse et la protéger de carbonyle, poser et peindre de nouvelles tôles sur la toiture, nettoyer l'intérieur, protéger le piédestal et habiller de bardeaux de châtaignier la face exposée aux vents.
C'est un moulin neuf, entièrement financé sur les fonds de l'ARAM, qui est inauguré le 5 septembre 1976, en présence de la municipalité de Leers, qui signe ce jour la charte de jumelage des deux moulins. Et puis au matin du 12 janvier 1978, à son réveil, le meunier découvre avec stupéfaction le moulin abattu par la tempête ! Il n'était pas orienté et le pivot n'a pu résister à la forte poussée des vents d'une extrême violence. Dès le lendemain, une conférence de presse se tient au moulin, où le président de l'ARAM, répondant à une question des journalistes, affirme qu'il est possible de reconstruire le moulin, à la condition que les médias soutiennent l'action. S'ensuit un énorme mouvement de solidarité. Citons simplement quelques chiffres : 150.000 F de dons divers, 381.838 F de subventions (Ministères de la Culture, de l'Environnement, de la Jeunesse et des Sports, des communes de Coquelles et de Leers, du Conseil Général du Pas de Calais et de la CEE), 300.000 F environ en matériaux et en prestations de service offerts gratuitement.

La reconstruction du moulin fut une véritable aventure, qui s'est déroulée en un laps de temps record, puisqu'en décembre 1980, il pouvait déjà moudre. Et ceci sous la responsabilité de l'ARAM, avec l'aide dévouée du secrétaire de mairie, Michel Niemann. Et pourtant, cette belle histoire a eu une triste suite ! Le meunier n'a jamais voulu remettre le moulin en service, il est même allé jusqu'à congédier les principaux intervenants, donnant ainsi le départ à une future légende, celle d'un nouveau Moulin de l'Ingratitude.

Textes : Jean Bruggeman

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