Calais Les 6 Bourgeois , Statue Auguste Rodin

Calais 360° Statue des 6 Bourgeois de Calais

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Les Bourgeois de Calais - Statue de Rodin

**Ce groupe en bronze représente six habitants de Calais (Eustache de Saint Pierre, Jacques et Pierre de Wissant, Jean de Fiennes, Andrieu d'Andres et Jean d'Aire), victimes d'un marché imaginé par le roi d'Angleterre Édouard III en août 1347 : le sacrifice de ces six hommes pour laisser la vie sauve à l’ensemble des habitants de la ville sur le point de se rendre aux Anglais, après un long siège. **

Six bourgeois de Calais, conduits au bourreau par Eustache de Saint-Pierre, remettront les clefs de la ville à Édouard III, pieds nus, en chemise et la corde au cou. Ils proposeront leur sacrifice afin d'épargner la population. La reine Philippine de Hainaut, admirative du courage des sacrifiés, demandera à son mari de leur épargner la pendaison. Lors du second siège de Calais, organisé par le Duc de Bourgogne, la ville demeurera aux mains des Anglais. Elle ne redeviendra française qu'en 1558, après la victoire du duc François de Guise.

Il existe plusieurs exemplaires de cette œuvre, dont une sur la place de l'Hôtel de ville de Calais. L'exemplaire du Metropolitan Museum of Arts de New York est un moulage datant de 1989.

L'histoire des 6 Bourgeois de Calais

Le roi Charles 4 mort sans descendance, Edward 3, roi d’Angleterre et petit fils de Philippe Le Bel par sa mère, revendiqua alors la couronne de France et résolut à la conquérir par les armes. La victoire remportée à Crécy le 26 Aout 1346 sur le roi de France, ouvrait à Edward 3 la route vers le nord. Il donne quelque repos à ses troupes, puis se dirige vers Calais et commence le siège de cette place forte dont la prise sera pour lui le résultat le plus important de son heureuse campagne.
Pour faire triompher ses prétentions à la couronne de France, il lui faudra conquérir, dans la France septentrionale, un territoire sur lequel il puisse débarquer ses armées en toute sécurité, pour faire ensuite la conquête du pays qu'il convoite et où, en cas de revers, elles trouveront un refuge certain. Calais, qui est située en vue des côtes anglaises, possède un bon port et de solides murailles, convient à merveille pour l'établissement d'un camp retranché tel que le désire Edward 3. Calais est bien, suivant l'expression d'un de ses successeurs, "la serrure et la clef de la France".

Le 4 Septembre 1346, après avoir ravagé sur son passage le Ponthieu et le Boulonnais, brûlé les faubourgs de Montreuil, Etaples et Wissant, Edward 3 apparaît sous les murs de Calais. Il somme immédiatement le gouverneur Jean de Vienne de lui rendre la Ville. Edward 3 est bien résolu à s'emparer coûte que coûte de cette place d'armes que les chroniqueurs sont unanimes à considérer comme l'une des plus puissantes forteresses. Mais se rendant compte qu'il a peu de chance de réussir par un coup de force, il décide de prendre la Ville par la famine.

En prévision d'un long siège, Edward 3 bâtit entre Calais et les rivières de Guînes et de Hames, le pont Nieulay, une véritable Ville qu'il appelle "Villeneuve la Hardie", amplement approvisionnée. Son armée, forte de 32000 hommes à son départ d’Angleterre, comptera à un certain moment 100.000 hommes de troupe.

Jean de Vienne voit les préparatifs anglais et se rend compte qu'il sera bientôt contraint par la famine à se rendre. Il décide donc de faire sortir toutes les bouches "inutiles". Des centaines de pauvres dépourvus de biens et de provisions sont ainsi chassés. Certains chroniqueurs affirment qu'Edward 3 autorisa ces malheureux à traverser les lignes de son armée, d'autres par contre racontent qu'Edward 3 les repoussa et qu'ils moururent de froid et de faim entre la ville et le camp anglais.

Les premiers temps du siège sont supportables pour les Calaisiens qui se ravitaillent encore par la Mer. Les opérations du côté de la terre se réduisent à peu de choses au cours de l'hiver 1346-1347, juste quelques sorties des assiégés et des escarmouches engagées par les garnisons françaises des petites forteresses de l'Artois et du Boulonnais. Edward 3 utilise sans résultat une vingtaine de canons pour abattre les murailles. Aussi, décide-t-il le 15 Février 1347 de mobiliser une flotte de 120 vaisseaux qui interdiront en permanence l'accès maritime de Calais. Une seule escadre française de 30 vaisseaux réussit, le 10 Avril, en dépit de la vigilance de la flotte ennemie et malgré les fortifications élevées par les assiégeants et les obstacles de toute nature à l'entrée du chenal, à pénétrer dans le port. Les autres tentatives échoueront lamentablement ; les navires tombant aux mains des anglais. Dès lors, Calais n'eut plus d'espoir que dans le secours venant de la terre.

Le 26 Juin, Jean de Vienne adresse une lettre au roi de France. Les anglais s'en emparent et Edward 3 se rend ainsi compte que la famine est à son comble dans la Ville. Dans cet appel émouvant à Philippe de Valois, il écrit notamment : "Sachez qu'il n'y a rien qui ne soi tout mangé, et les chiens et les chats et les chevaux ; et de vivres nous ne pouvons plus trouver si nous ne mangeons chair de gens, si nous n'avons pas un bref secours". Un chroniqueur anglais place à cette époque l'exode de centaines de Calaisiens qui auraient péri sous les murs de la Ville, l’assiégeant leur ayant refusé la traversée de son camp.

Cepandant, Philippe de Valois comprend la nécessité de tenter un grand effort pour secourir et conserver une place de premier ordre qui résiste héroïquement. Depuis le 24 Mai 1347, il concentre à Arras une armée considérable. Après avoir vainement demandé aux flamands leur concours, il dirige ses troupes vers Hesdin, Fauquembergues, Lumbres, Nordausques, Tournehem et Guînes. Ce 27 Juillet, l'armée Française, forte de plus de 100.000 fantassins et de 35.000 cavaliers paraît enfin sur les hauteurs de Sangatte, à la grande joie des Calaisiens qui pensent que la bataille va s'engager rapidement.

Le roi de France fait aussitôt reconnaitre le terrain et chercher les points d'attaque les plus favorables. L'examen des positions ennemies lui révèle que la nature du terrain et les mesures défensives prises par Edward 3 rendent toute attaque impossible. Philippe de Valois propose alors à Edward 3 un combat en rase campagne. Ce dernier refuse , sachant que Calais est à sa merci.

Cependant, le 29 Juillet, les légats pontificaux apportent des propositions de médiation du Pape Clément 6. Durant 3 jours, les propositions sont transmises d'un camp à l'autre. Bien que les Français offrent le Duché de Guyenne et le comté de Ponthieu pour la délivrance de Calais, les négociateurs se séparent sans compromis. C'est que le désaccord est trop profond entre Edward 3 dont on connait les prétentions au trône de France et Philippe 4, roi effectif.

Pendant ce temps, les malheureux Calaisiens que la faim torture et que seule l'espérance d'être secourus soutient, multiplient les signaux de détresse et leurs cris vers le roi de France, accompagnés de bruits de trompettes et de feux durant trois nuits consécutives. Malgré ces appels désespérés, Philippe 4 ne risque pas l'attaque, la jugeant impossible. Dans la nuit du Mercredi 1 au Jeudi 2 Août 1347, il donne l'ordre de repli. On devine aisément l’abattement des Calaisiens qui perdent ainsi tout espoir.
Aussi, le 3 Août, Jean de Vienne sentant l'impossibilité de continuer la résistance, après avoir tenu conseil avec ses compagnons d'armes et les bourgeois restés dans la ville, vient-il aux créneaux demander à parlementer. Edward 3 envoie aussitôt Gautier de Mauny et quelques chevaliers à qui Jean de Vienne fait connaître son intention de rendre la Ville à la condition d'accorder vie sauve à la garnison et à la population. Edward 3 très irrité par l'extraordinaire résistance des Calaisiens et la perte de beaucoup d'hommes et d'argent exige une capitulation sans conditions. Gautier de Mauny promet à Jean de Vienne d'essayer de fléchir la rigueur du roi.

En présence du roi, Gautier de Mauny répète la conversation qu'il a eue avec le Gouverneur de Calais. Edward 3 persiste dans son intention, Gautier de Mauny, bravant la colère de son roi, lui montre la rigueur de sa décision.Tous les barons présents comprennent qu'en somme, le seul crime des Calaisiens était de combattre pour leur roi. Aussi, se joignent-ils à Gautier : Edward 3, ébranlé, dit enfin sa sentence : "Seigneurs, je ne veux pas être tout seul contre vous tous. Gautier ; vous irez vers ceux de Calais et direz au Capitaine que la plus grande grâce qu'ils pourront trouver et avoir de moi, c'est qu'il parte de la Ville, 6 des plus notables bourgeois, pieds nus et la corde au cou et les clefs de la Ville et du Château en leur main et d'eux je ferai ma volonté, et le reste j'en prendrai pitié".

Gautier revint en hâte auprès de Jean de Vienne qui l'attend sur les remparts et l'informe de la décision de son maître. Jean de Vienne le remercie et lui demande de demeurer le temps de communiquer son message aux Calaisiens. Il fait aussitôt sonner les cloches et assembler la population sur la place du marché et fait connaitre les conditions imposées par le vainqueur.

Des cris, des gémissements, des pleurs répondent à ses paroles et lui-même est fort ému. Un moment après, le plus riche bourgeois de la Ville, Eustache de Saint-Pierre se lève et dit :

"Seigneur, il serait grand malheur de laisser un tel peuple mourir ici de famine quand on peut trouver un autre moyen. J'ai si grande espérance de trouver grâce et pardon envers notre Seigneur si je meurs pour sauver ce peuple, que je veux être le premier ; je me mettrai volontiers en chemise, nue tête, la corde au cou, à la merci du roi d’Angleterre".

Chacun s'approche de lui et le remercie, des hommes et des femmes se jettent à ses pieds en pleurant. Devant cet héroïque exemple, un autre très honnête et riche bourgeois, Jean d'Aire, se lève et déclare sa volonté de partager le sort de son compère. Un troisième, Jacques de Wissant , dit vouloir faire compagnie à ses deux cousins. Puis ce sont Pierre de Wissant , son frère, Jean de Fienne et Andrieux d'Andres. Les 6 bourgeois se dévêtent, tous nus en leurs chemises, mettent la corde au cou et prennent les clefs de la Ville et du Château chacun en tenant une poignée. Quand ils sont prêts, Jean de Vienne se met devant eux et prend le chemin de la Porte accompagnés des hommes femmes et enfants qui pleurent, se tordent les mains et crient à haute voix. La scène est poignante. Au delà de la Porte, Jean de Vienne dit à Gautier qui l'attend :

"Je vous livre comme Capitaine de Calais, avec le consentement du peuple de cette Ville, ces 6 bourgeois, et je vous jure qu'ils sont et ont toujours été les plus honorables...".

Et ils s'en vont vers leur destin au camp des anglais. A leur arrivée, le roi Edward 3 vient sur la place en face de son palais ayant à ses côtés la reine Philippine de Hainaut sa femme (qui était enceinte) et les seigneurs de sa cour. En présence du roi, les 6 bourgeois se mettent à genoux et disent en joignant leurs mains :

"Gentil Sire et gentil roi, voyez-nous les six, qui avons été d'anciens bourgeois et grands marchands de Calais ; nous vous apportons les clefs de la Ville et du Château ; nous nous mettons en votre pure volonté pour sauver le "demeurant" du peuple de Calais qui a beaucoup souffert de privations. Veuillez avoir de nous pitié et merci par votre très haute noblesse".

Les seigneurs et chevaliers présents ne peuvent s'empêcher de les prendre en pitié et ont grand peine à parler.

Le roi les regarde très en colère car il avait le cœur si dur et si épris d'un grand courroux qu'il ne peut parler. Quand il le peut enfin, c'est pour dire qu'on leur coupe la tête. Tous les barons et chevaliers présents ainsi que Messire Gautier de Mauny prient le roi de les prendre en pitié mais en vain. C'est alors la reine d'angleterre qui ne pouvant se retenir de pleurer, se jeta aux pieds du roi et dit:

"Ah, gentil sire, depuis que je repassai la Mer en grand péril comme vous le savez, je ne vous ai rien demandé ; or, je vous prie humblement et requiers à mains jointes que pour l'amour du fils de Sainte-Marie et pour l'amour de moi, vous veuillez avoir de ces hommes mercy"

Le roi attend un moment, regarde la reine qui pleure, s'émeut et ne veut pas lui faire peine et dit :

"Ah, Madame, j'aimerai mieux que vous fussiez autre part qu'ici ! Vous me priez si tendrement que je n'ose vous éconduire malgré que j'en ai envie. Tenez ! je vous les donne ! faites-en votre plaisir !"

Alors la reine joyeuse se lève, fait lever les 6 bourgeois, leur enlève les cordes qu'ils avaient au cou et les emmène avec elle dans sa chambre, les fait vêtir, leur fait servir à diner, leur fait remettre à chacun 6 nobles d'or et les fait conduire hors du camp en sûreté. Ils s'en vont demeurer dans plusieurs villes de Picardie. Le lendemain, 4 Août 1347, Calais est occupé et Gautier de Mauny prend possession de la Ville et du Château.. Son premier soin est d'ordonner de mettre Jean de Vienne et ses chevaliers en prison courtoise, en attendant leur transfert en Angleterre jusqu'à ce qu'ils aient payé leurs rançons. Les simples hommes de troupe sont rassemblés dans la halle pour y déposer leurs armes, puis renvoyés. Il fait amener dans la Ville des charrettes entières de victuailles qui sont distribuées aux habitants. Cette distribution a des effets désastreux car plus de 300 personnes succombent pour avoir absorbé trop de nourriture trop vite. Ceux qui survivent sont expulsés, car Edward 3 a résolu de peupler la Ville de sujets anglais. Seul un prêtre et quelques personnes âgées restent à Calais pour fournir des renseignements relatifs aux coutumes anciennes de Calais.

Telle est, d'après les "Chroniques" de Froissart, la version la plus généralement admise de la reddition et du dévouement des 6 bourgeois. En 1895, l'illustre Rodin a figé dans l'immortalité du bronze, la sublime nudité de nos héros.

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